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La transmission : ça se prépare !

Guy

Guy Van Den Noortgate

Passage obligé pour toute entreprise, la transmission est un acte de management qui doit être anticipé et bien organisé afin d’assurer la pérennité de l’activité au bénéfice des collaborateurs, des clients et du repreneur.

Guy Van Den Noortgate

Nous ne sommes pas éternels, les entreprises non plus. C’est pourquoi il convient de songer, en temps opportun, à garantir le futur de la société que l’on a créée ou dont on a hérité. Hélas, il arrive encore trop souvent que le chef d’entreprise tarde à anticiper et surtout préparer la transmission. « J’ai observé que lorsque l’on n’a pas vendu ou décidé de le faire entre 58 et 60 ans, on ne le fera jamais », souligne Joffroy Moreau, administrateur d’Ekkofin, cabinet montois spécialisé en accompagnement stratégique et financier de PME et entreprises familiales. Le problème que l’on rencontre alors est que ces patrons s’accrochent à leur poste et prérogatives au détriment parfois de leurs enfants, dans le cas d’une société familiale, et in fine, potentiellement de leur entreprise. Car lorsqu’arrive l’échéance, le patron a tendance à surévaluer son entreprise et imaginer que la cession sera rapide. Soyons clairs, c’est rarement le cas.

La cession : quatre cas de figure

Joffroy Moreau identifie quatre figures en matière de cession, du plus rare au plus classique : « D’abord, le premier, c’est le chèque, la proposition indécente qui ne se refuse pas. C’est rare mais cela arrive et concerne, par exemple, une société qui détient une technologie innovante ou une position de leader sur le marché. C’est également valable quand un groupe étranger souhaite pénétrer un pays dont il est absent et décide de mettre les grands moyens dans l’acquisition d’une société afin de détenir rapidement une position sur le marché local. Ensuite, on l’oublie souvent, ce sont les entreprises qui se retrouvent dans les difficultés suite à un problème lié à l’entrepreneur (maladie, divorce, décès, etc.), soit à la société (litiges, soucis financiers, perte d’un collaborateur-clé, etc.). »

« Troisième cas de figure, ce sont les limites en lien avec le développement de l’entreprise. Elles peuvent concerner le dirigeant, la société ou l’évolution de son marché. Il peut s’agir d’un manque de compétences, de moyens financiers, d’une incapacité à suivre l’évolution technologique ou la consolidation du secteur. Cela peut également résulter d’une législation de plus en plus contraignante. Dans ce cas, il est conseillé de passer le relais à quelqu’un d’autre. Enfin, le plus courant c’est tout simplement l’âge. C’est la raison principale qui amène le dirigeant à céder les rênes de son entreprise. Et on ne le répétera jamais assez, il faut préparer cette cession. Nous avons parfois des chefs d’entreprises qui nous contactent pour que nous organisions la vente de leur société dans les trois ou six mois ; nous leur répondons que ce n’est pas possible. Même s’il arrive que cela peut aller relativement vite, c’est souvent parce que des contacts avaient déjà été noués auparavant avec le repreneur. Sinon, il faut compter en moyenne deux à trois ans, parfois moins. »

Pérenniser l’activité

Même si certains privilégient parfois la maximisation de la plus-value, le principal objectif du cédant demeure la pérennisation de l’entreprise. C’est clairement le cas de Martine Constant qui vient de céder à Christine Angilella une des activités de la société éponyme Martine Constant Consulting Group, tout en demeurant aux commandes de MCP Quality Services, une société active dans la consultance en stratégie marketing. « Je souhaitais transmettre à une personne de confiance qui allait pouvoir poursuivre l’aventure que j’ai entreprise il y a 28 ans, confie Martine Constant. En outre, je suis heureuse de passer le relais à une femme puisque j’ai toujours soutenu l’entrepreneuriat féminin, et, qui plus est, à une femme que je connais depuis de nombreuses années qui accorde de l’importance à l’humain. J’avais besoin d’avoir la certitude que mes collaborateurs, ainsi que mes clients, seraient en de bonnes mains. »

La reprise qui s’est concrétisée officiellement le mois dernier a consciencieusement été préparée par les deux parties. Il est vrai que les deux femmes se connaissent de longue date comme le rappelle Christine Angilella : « Ma première rencontre avec Martine Constant remonte à environ 22 ans. Etudiante en marketing, j’ai jobé dans son entreprise et j’ai d’emblée été impressionnée par sa personnalité. Depuis lors, nous nous sommes revues à différentes reprises. Le marketing était une corde qui manquait à la société que j’ai créée, Gestion Performance. Quand j’ai entendu que Martine Constant Consulting Group était à vendre, je me suis positionnée. Stratégiquement, cette acquisition revêt beaucoup de sens. Mais ce qui m’a plu par-dessus tout, c’est de découvrir des collaborateurs et collaboratrices fidèles et expérimentés, sur qui je sais que je vais pouvoir m’appuyer pour développer tous les projets que j’ai pour la société. »

Privilégier ce que l’on connaît

Parmi les multiples conseils que prodiguent les spécialistes, il en est un que le repreneur doit conserver à l’esprit. Outre les aspects classiques qu’il faut aborder (légaux, fiscaux, financier, etc.), il vaut mieux investir dans un secteur que l’on connaît. Cette question ne se pose pas de prime abord dans les entreprises familiales où les enfants ont souvent baignés dès leur plus jeune âge dans l’univers entrepreneurial. Mais cela n’empêche pas de bien préparer la succession d’autant que les aspects psychologiques et émotionnels, présents dans toute transmission, le sont davantage quand la famille entre en ligne de compte. Fort heureusement, les exemples abondent en matière de passage de témoin réussis entre générations qui contribuent à la bonne santé de notre tissu économique. C’est le cas notamment de Realco où George Blackman a succédé en 2018 à son père Gordon. Après avoir travaillé une dizaine d’années chez UCB, George Blackman a rejoint en 2015 l’entreprise à la demande de son père, dans le dessein de préparer sa succession et ainsi conserver celle-ci dans le giron familial.

Mais parfois, faute d’héritiers ou de successeurs, le patron s’efforce alors de trouver un repreneur qui évolue de préférence dans son secteur d’activité et partage la même philosophie de travail. C’est ce qu’a récemment fait Antoine Guisse qui a cédé l’entreprise Guisse & Fils au groupe Jean Nonet. La première, implantée à Villers-le-Bouillet, est spécialisée dans l’installation de clôtures, de solutions de contrôle d’accès, de dispositifs de circuits de surveillance et de sécurisation de sites, ainsi que la domotique. Le second est actif en Wallonie sur des chantiers de construction et d’aménagements extérieurs. « L’arrivée de Guisse & Fils au sein de notre groupe, diversifie d’une part notre palette d’activités, et nous permet, d’autre part, d’étendre notre couverture géographique en province de Liège », souligne François Nonet, directeur adjoint. Les pourparlers quant à la reprise ont été entamés au début de cette année et l’accord scellé en août. Cela a été relativement rapide car les deux entreprises et leurs dirigeants se connaissaient déjà de longue date.

Bien s’entourer de spécialistes

Une transmission ne s’improvise pas et doit donc être pensée et préparée soigneusement. Pour que l’opération soit un succès pour les deux parties, il est important de bien s’entourer et de faire appel à des spécialistes. « En fonction des objectifs du cédant, il faut d’abord déterminer le profil du repreneur, détaille Joffroy Moreau, il faut rendre l’entreprise indépendante de son dirigeant et/ou fondateur qui va la quitter, sinon vous n’arriverez jamais à la céder. Enfin, en aval, c’est la phase marketing durant laquelle on va réaliser le dossier de vente, trouver le repreneur et négocier les conditions de la transaction. »

Joffroy Moreau a noté à la sortie de la crise sanitaire un regain de ses activités : « Nombre d’entrepreneurs ont souhaité prendre du recul et alors que l’on traite, en temps normal, 3 à 4 dossiers par an, nous en avons eu une dizaine. Mais la guerre en Ukraine a rebattu les cartes et donné un coup de frein. Pour le moment, c’est plus calme car il y a, d’une part, des incertitudes liées aux activités. Certaines ont beaucoup souffert de ces différentes crises, d’autres ont su tirer leur épingle du jeu. Et d’autre part, la hausse des taux d’intérêt joue également un rôle pour les repreneurs en quête de financement. » En conclusion, le marché de la transmission s’est ralenti mais cela ne doit surtout pas empêcher les entrepreneurs de songer à demain, qui arrive toujours plus vite que prévu.

J’ai observé que lorsque l’on n’a pas vendu ou décidé de le faire entre 58 et 60 ans, on ne le fera jamais.

Joffroy Moreau (Ekkofin)

Je souhaitais transmettre à une personne de confiance qui allait pouvoir poursuivre l’aventure que j’ai entreprise il y a 28 ans.

Martine Constant (MCP Quality Services)

J’ai découvert des collaborateurs et collaboratrices fidèles et expérimentés, sur qui je sais que je vais pouvoir m’appuyer pour développer tous les projets que j’ai pour la société.

Christine Angilella (Gestion performance)

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